En entrevue avec L’Action à l’occasion du lancement de la programmation de la salle de Joliette, l’automne dernier, Marie-Joanne Boucher a souligné que les spectacles de théâtre naissent souvent dans les grands centres. Toutefois, elle trouve vraiment intéressant le fait de créer près de sa communauté et que ce soit cette dernière qui bénéficie des balbutiements de la création. « Je vois la création de façon super organique et c’est important pour moi d’aller puiser dans mon patelin et les gens qui m’entourent. »

L’auteure a ajouté que le Centre culturel Desjardins et le Théâtre du Vieux-Terrebonne ont été des précurseurs dans ce projet et qu’ils en sont des partenaires depuis les débuts.

Dans Projet Polytechnique, Jean-Marc Dalphond et Marie-Joanne Boucher mènent leur enquête et retournent toutes les pierres pour mesurer les conséquences du féminicide de la Polytechnique.

Jean-Marc Dalphond raconte que l’une des raisons principales de ce projet est le fait que sa cousine, Anne-Marie Edward, faisait malheureusement partie des 14 victimes de cette tragédie : « J’ai toujours été proche de cette date-là de par ma filiation avec Anne-Marie et Marie-Joanne, elle, se sent, en tant que femme et en tant que citoyenne, investie du devoir de préserver la mémoire de cet événement parce que pour nous, se souvenir de quelque chose, ça permet de développer des outils et d’éviter que ça recommence. »

Au sein de la pièce, les auteurs interprètent leurs rencontres. « À part quelques scènes qui se passent entre Marie-Joanne et moi, où c’est comme un compte-rendu de conversations qu’on a eues au fil des années, tout ce qui est sur la scène ce sont exactement les mots que les personnes nous ont dits. C’est sûr qu’on en enlève des bouts, parce que chaque entrevue ne peut pas durer deux heures, mais on ne fait ni mentir ni dédire personne. On va chercher un vaste éventail de spécialistes, de victimes, de survivants de Polytechnique, de masculinistes, des gens qui vénèrent Marc Lépine… », mentionne Jean-Marc Dalphond en confiant que ces entrevues ont été très déstabilisantes.

Marie-Joanne Boucher poursuit qu’au fil de cette quête, sa vie ainsi que celle de son acolyte ont, en quelque sorte, été documentées. « Il y a ce que Jean-Marc et moi avons vécu entre nous, mais aussi tout seul face à ce sujet-là. C’est aussi transposé scéniquement. C’est un show qui dure presque trois heures, mais les spectateurs ne s’ennuieront pas. Malgré la lourdeur du sujet, on a tenu à ce que ce soit lumineux et porteur d’espoir. »

La Prairiquoise souligne qu’elle et Jean-Marc Dalphond n’avaient jamais écrit pour le théâtre, mais que la recherche documentaire les a propulsés. « On rencontre des gens, on fait des entrevues et par la suite il y a une certaine édition pour leur donner une structure théâtrale. »

Dans ce projet, les deux auteurs ont été accompagnés par les dramaturges Annabel Soutar et Alex Ivanovici, cofondateurs des Productions Porte Parole. « Ils sont précieux parce que ce sont des spécialistes du théâtre documentaire donc ils nous ont amenés à l’écriture et ils nous ont beaucoup aidés et supportés. Je ne pense pas qu’on y serait arrivé sans eux, mais on s’est développé aussi une façon d’écrire et on est fier de pouvoir dire que ce texte-là est assez solide, on connaît notre sujet, parce que ça fait 5 ans qu’on y travaille. » Un balado a même vu le jour et est venu documenter la recherche des créateurs.

Pour informations ou achat de billets : www.spectaclesjoliette.com.