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25 avril 2023

Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca

Rehausser le financement des centres de prévention du suicide : une question de vie ou de mort

Cri du cœur

Centre de prévention du suicide de Lanaudière

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Le porte-parole Ghyslain Dufresne, de même que les employés et administrateurs du Centre de prévention du suicide de Lanaudière ont appuyé la directrice Joyce Lawless dans son appel à l’aide.

Face à une situation devenue insoutenable, le Centre de prévention du suicide de Lanaudière (CPSL) interpellait, le 19 avril dernier, le Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière, de même que le ministère de la Santé et des Services sociaux, afin que soit rehaussé de manière significative et récurrente le financement octroyé à la mission des centres de prévention du suicide et que les règles d’attribution du financement dans le cadre du Programme de soutien aux organismes communautaires soient revues en tenant compte de la réalité et des heures de service du CPSL.

En effet, la directrice en place, Joyce Lawless, constate avec désolation l’insuffisance des sommes qui leur sont actuellement versées pour offrir des services à la population 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Épuisement des troupes, pénurie de main-d’œuvre, salaires peu alléchants; les facteurs plaçant l’organisme en situation de précarité se multiplient. « En 2020, le salaire que nous étions en mesure d’offrir à nos intervenantes était de 18 $/h. Nous avons pris l’initiative de le bonifier à 25 $/h, mais c’est encore insuffisant », expose Mme Lawless.

Le Centre emploie présentement neuf personnes à temps plein, dont six intervenantes. « Nous avons besoin d’au moins 14 postes, dont dix en intervention », plaide la directrice. À ce stade-ci, cette dernière appréhende la gravité des conséquences que poserait pour l’organisme un nouveau départ parmi ses employés. « À formation égale, et pour un horaire et des tâches moins contraignants, nos partenaires du secteur public offrent souvent de meilleures conditions salariales », s’inquiète-t-elle. Et malgré qu’elle demeure insuffisante pour assurer l’attraction et la rétention du personnel souhaitées, la hausse salariale offerte par le CPSL, sans financement conséquent, n’est pas exempte de répercussions.

Services en péril

Afin de maintenir le plus grand nombre d’heures possibles assurées par les intervenantes du CPSL sur la ligne 1 866-APPELLE, l’organisme a mis en place plusieurs actions visant à pallier le manque de fonds. Pour absorber les dépenses supplémentaires en salaires, le CPSL a notamment dû mettre sur pause ou ralentir plusieurs services et activités, tels que son colloque annuel, la route agricole, certaines activités de formation et les activités de sensibilisation de la Semaine de prévention du suicide. De plus, le poste d’agente de développement et communication a été aboli pour une durée indéterminée, posant des enjeux supplémentaires, entre autres pour la visibilité des services dispensés par l’organisme.  « On met un frein à des initiatives dont nous savons qu’elles ont du sens, qu’elles sont utiles et pertinentes. Ce sont des décisions très douloureuses. On tente de rester connecter au sentiment qu’on fait le mieux qu’on peut avec les moyens que nous avons. »

Centre de prévention du suicide de Lanaudière

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Lors d'une conférence de presse, le 19 avril dernier, le Centre de prévention du suicide de Lanaudière a sonné l'alarme quant à la situation précaire dans laquelle se trouve l'organisme.

En dépit de tous ces efforts déployés pour maintenir la tête hors de l’eau, Joyce Lawless déplore que l’aide supplémentaire requise n’aboutisse pas, empêchant l’organisme de réaliser pleinement sa mission; rien de moins que de sauver des vies humaines. « Dans l’idéal, on recevrait à la mission, environ le double de ce qu’on a présentement; donc autour de 600 000 $ de plus. Pour un centre de prévention du suicide qui couvre toute la région, 24/7, et qui déploie des services autant au niveau de la prévention que de l’intervention, ce n’est pas du luxe », clame Joyce Lawless.

Faute de ressources suffisantes, le CPSL s’est vu dans l’obligation de transférer les appels de Lanaudois en détresse, de proches inquiets ou endeuillés à un autre centre de prévention du suicide sur des périodes allant jusqu’à 18,5 h par jour au cours des derniers mois. Dans les conditions actuelles, l’organisme peine de plus en plus à couvrir ses 16 heures quotidiennes de service; les nuits étant déjà assurées par un autre centre depuis 2018, dans le but de réinjecter les salaires économisés dans le déploiement d’autres services, en prévention notamment.

Une ressource indispensable

Plus d’heures de transfert signifient donc moins d’expertise locale pour répondre aux Lanaudois qui appellent à l’aide, alerte Mme Lawless. Et bien que la ligne demeure en service en tout temps pour les gens de la région, il n’en demeure pas moins que tous les autres services amputés font avorter plusieurs opportunités de rejoindre des personnes fragilisées.

« La route agricole, c’est un dossier en lequel je fondais beaucoup d’espoir », expose par exemple Pierre Deschênes, administrateur du CPSL et endeuillé par suicide. Lui-même producteur bovin, il est bien placé pour comprendre les difficultés et les enjeux vécus par les agriculteurs, mais surtout pour savoir que beaucoup d’entre eux n’ont pas assez tendance à se tourner vers les ressources disponibles par moments difficiles.

« En collaboration avec l’Union des producteurs agricoles et la travailleuse de rang, on ciblait des secteurs où les producteurs étaient susceptibles de vivre un stress et on allait au-devant avant qu’il n’arrive quelque chose. On a fait des rencontres exceptionnelles avec les producteurs et leur famille. On a eu des confidences; des gens qui ont eu recours aux services », raconte l’homme de Saint-Damien qui a perdu son fils tragiquement il y a 19 ans. Malheureusement, la route agricole compte parmi les services interrompus, faute de ressources humaines et financières.

Pour sa conjointe et lui, les services proposés aux endeuillés par le CPSL ont été salutaires. De les voir s’amenuiser de mois en mois l’attriste beaucoup. En attendant que le bateau soit remis à flot avec un rehaussement du financement gouvernemental, M. Deschênes continue de s’impliquer bénévolement auprès de l’organisme lanaudois pour procurer un peu de bien aux personnes vivant des enjeux liés au suicide et pour donner un sens à l’épreuve qu’il a lui-même vécue avec le départ de son fils Mathieu.

 

 

 

Chaque année, le Centre de prévention du suicide de Lanaudière répond en moyenne à 3 500 appels. Malgré les efforts déployés, la région de Lanaudière enregistrait 71 décès par suicide en 2020. Au cours des dernières années, les statistiques ont toutefois démontré une tendance à la baisse; témoignant de l’impact positif et du caractère indispensable du travail des intervenants du CPSL.

 

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